• Ximénès Doudan to August Wilhelm von Schlegel

  • Place of Dispatch: Paris · Place of Destination: Bonn · Date: 29.06.1840
Edition Status: Newly transcribed and labelled; double collated
    Metadata Concerning Header
  • Sender: Ximénès Doudan
  • Recipient: August Wilhelm von Schlegel
  • Place of Dispatch: Paris
  • Place of Destination: Bonn
  • Date: 29.06.1840
  • Notations: Empfangsort erschlossen.
    Manuscript
  • Provider: Dresden, Sächsische Landesbibliothek - Staats- und Universitätsbibliothek
  • OAI Id: DE-1a-33442
  • Classification Number: Mscr.Dresd.e.90,XIX,Bd.6,Nr.40
  • Number of Pages: 4S. auf Doppelbl., hs. m. U.
  • Format: 20,5 x 13,2 cm
  • Incipit: „[1] à Paris le 29. Juin 1840.
    Monsieur,
    M. de Broglie vous a dit ses projets pour cet été, son prochain séjour [...]“
    Language
  • French
  • Latin
    Editors
  • Falk, Clio
  • Golyschkin, Ruth
[1] à Paris le 29. Juin 1840.
Monsieur,
M. de Broglie vous a dit ses projets pour cet été, son prochain séjour à Broglie et enfin son voyage à Coppet. J’espere toujours que ces arrangemens pourront se combiner avec les vôtres et que vous vous laisserez toucher par notre désir si vif de vous voir. Pour mon compte, si j’avais une ombre de santé, j’aurais un moyen bien simple de résoudre le problème, et j’irais avec bien de l’empressement réclamer l’hospitalité que vous avez la bonté de m’offrir. Mais je ne puis jamais faire raisonnablement un projet qui s’étend fort au delà de la Banlieue de Paris, quoique j’aime incomparablement mieux les bords du Rhin que la Banlieue de Paris. La première fois que j’estime vrai qu’il m’est possible d’atteindre Bonn sans encombrer vous me verrez arriver dans votre salon, non loin de cette jolie salle à manger, où l’on se croirait en France à en juger par la cuisine et la conversation. Je parle d’un temps [2] où la conversation était vive et élégante en France - et où la cuisine n’avait pas pris une teinte cosmopolite. Je suis bien obligé de faire un peu les honneurs de notre pauvre France, que vous n’aimez que médiocrement tandis qu’on vous y admire sincèrement. J’ai lu un beau discours latin que vous avez bien voulu envoyer à Albert. La douane n’aurait pas dû le laisser passer - d’abord par un sentiment naturel de jalousie nationale attendu que la latinité en est d’une pureté et d’un éclat qui peut faire des jaloux chez nous et aussi parceque l’Empereur des Français et les Français y sont durement traités. Vous semblez craindre que vos libraires vous retiennent prisonnier - j’en ferais tout autant à leur place - et je m’arrangerais pour vous forcer à écrire. Je dois cependant vous avouer que je ne crois pas que vous écriviez en allemand, je ne crois pas ce que tout le monde dit que vous écriviez dans cette langue, avec une rare supériorité - on n’est pas écrivain d’un vide supérieur dans deux langues.
Le Roi de Prusse a été regretté ici par tous les esprits sages - il laissera un grand souvenir dans l’histoire de son pays - il est pour beaucoup dans les prospérités de la Prusse. Nous désirions que son successeur ait hérité de sa sagesse éclairée et ferme. Où en sont, oserai-je vous le demander, vos querelles de l’église et de l’Etat. Je penchais pour votre Roi et non pour votre Archevêque. J’ai toujours cru que sur ces limites extrêmes l’Eglise devait des concessions pour le bon ordre de la société.
[3] Je ne négligerai pas de consulter le nouveau Journal Asiatique à dâter du 14e. volume pour y chercher la lettre sur les mille & une nuit. J’ai toujours eu grand désir de la lire. J’ai la passion de cette grande érudition qui analyse l’imagination des peuples aussi bien qu’elle éclaircit la succession des faits. Je reconnais que ce genre d’érudition appartient presque exclusivement à l’Allemagne. Vous avez beaucoup plus droit à cette gloire qu’à ces conquêtes nationales dont vous me menaciez l’autre jour dans une ode contre la chambre des députés. J’avais médité de vous livrer à la chambre qui aurait demandé au Roi de Prusse que vous lui fussiez livré pour injures graves. Il aurait bien fallu que vous vinssiez à Paris & nous vous aurions vu plus tôt. Je fais chercher cette collection du Journal Asiatique. - Celle que vous avez vu ici est à la campagne - J’approuve bien fort la pensée que vous avez de réunir vos écrits français. Je vous enverrai la liste de ceux que vous avez eu la bonté de me confier. J’ai été bien touché du témoignage de bienveillance que vous vouliez me donner dans des prévisions trop éloignées pour y arrêter un instant sa pensée. Je prétends me mettre tout simplement à vos ordres pour corriger vos épreuves sous votre direction - seulement je substituerai un éloge de la France à toute insinuation malveillante que je rencontrerai. Vous pouvez être assuré que je corrigerai très lisiblement les fautes d’impressions. Je suppose que mon écriture est celle [4] que les calligraphes appelent francaise puisque vous en parlez si mal. il est bien vrai que jécris avec des plumes d’acier, elles sont ici fort à la mode - je suis forcé d’admettre que notre style n’en a pas beaucoup plus de neuf, mais vous devez avouer qu’il a du moins quelque raideur - puisque vous voulez bien me proposer des leçons sur l’art de tailler les plumes, je mettrai quelque superstition à suivre vos avis à cet égard. Qu’avez vous dit de notre prix Gobert et de tous les prix que nous prodiguons. nous sommes toute l’année en quête de vertu & d’éloquence à couronner - et c’est à peine si la vertu suffit à l’argent que nous avons à donner - on donne le mieux et le plus qu’on peut. Mais on peut dire que l’Académie ne sait que faire de son argent, tant on lui en a légué - pecuniam vexant comme dit Salluste. À Propos de Salluste jaurais bien voulu que vous fussiez Ministre de Prusse à Rome quand nous y avons passé un mois. La maison de notre légation est faite pour vous elle est sur le capitole dominant toute l’antiquité romaine - si javais l’honneur de connaître votre Roi je lui conseillerais de vous envoyer dans cette Italie et ferais vous répondre. le midi m’est plus facile à habiter que le Nord. Mais malgré ma santé si vous n’allez pas au Midi je finirai par aller vous chercher au Nord.
Mille tendres respects
X Doudan
[1] à Paris le 29. Juin 1840.
Monsieur,
M. de Broglie vous a dit ses projets pour cet été, son prochain séjour à Broglie et enfin son voyage à Coppet. J’espere toujours que ces arrangemens pourront se combiner avec les vôtres et que vous vous laisserez toucher par notre désir si vif de vous voir. Pour mon compte, si j’avais une ombre de santé, j’aurais un moyen bien simple de résoudre le problème, et j’irais avec bien de l’empressement réclamer l’hospitalité que vous avez la bonté de m’offrir. Mais je ne puis jamais faire raisonnablement un projet qui s’étend fort au delà de la Banlieue de Paris, quoique j’aime incomparablement mieux les bords du Rhin que la Banlieue de Paris. La première fois que j’estime vrai qu’il m’est possible d’atteindre Bonn sans encombrer vous me verrez arriver dans votre salon, non loin de cette jolie salle à manger, où l’on se croirait en France à en juger par la cuisine et la conversation. Je parle d’un temps [2] où la conversation était vive et élégante en France - et où la cuisine n’avait pas pris une teinte cosmopolite. Je suis bien obligé de faire un peu les honneurs de notre pauvre France, que vous n’aimez que médiocrement tandis qu’on vous y admire sincèrement. J’ai lu un beau discours latin que vous avez bien voulu envoyer à Albert. La douane n’aurait pas dû le laisser passer - d’abord par un sentiment naturel de jalousie nationale attendu que la latinité en est d’une pureté et d’un éclat qui peut faire des jaloux chez nous et aussi parceque l’Empereur des Français et les Français y sont durement traités. Vous semblez craindre que vos libraires vous retiennent prisonnier - j’en ferais tout autant à leur place - et je m’arrangerais pour vous forcer à écrire. Je dois cependant vous avouer que je ne crois pas que vous écriviez en allemand, je ne crois pas ce que tout le monde dit que vous écriviez dans cette langue, avec une rare supériorité - on n’est pas écrivain d’un vide supérieur dans deux langues.
Le Roi de Prusse a été regretté ici par tous les esprits sages - il laissera un grand souvenir dans l’histoire de son pays - il est pour beaucoup dans les prospérités de la Prusse. Nous désirions que son successeur ait hérité de sa sagesse éclairée et ferme. Où en sont, oserai-je vous le demander, vos querelles de l’église et de l’Etat. Je penchais pour votre Roi et non pour votre Archevêque. J’ai toujours cru que sur ces limites extrêmes l’Eglise devait des concessions pour le bon ordre de la société.
[3] Je ne négligerai pas de consulter le nouveau Journal Asiatique à dâter du 14e. volume pour y chercher la lettre sur les mille & une nuit. J’ai toujours eu grand désir de la lire. J’ai la passion de cette grande érudition qui analyse l’imagination des peuples aussi bien qu’elle éclaircit la succession des faits. Je reconnais que ce genre d’érudition appartient presque exclusivement à l’Allemagne. Vous avez beaucoup plus droit à cette gloire qu’à ces conquêtes nationales dont vous me menaciez l’autre jour dans une ode contre la chambre des députés. J’avais médité de vous livrer à la chambre qui aurait demandé au Roi de Prusse que vous lui fussiez livré pour injures graves. Il aurait bien fallu que vous vinssiez à Paris & nous vous aurions vu plus tôt. Je fais chercher cette collection du Journal Asiatique. - Celle que vous avez vu ici est à la campagne - J’approuve bien fort la pensée que vous avez de réunir vos écrits français. Je vous enverrai la liste de ceux que vous avez eu la bonté de me confier. J’ai été bien touché du témoignage de bienveillance que vous vouliez me donner dans des prévisions trop éloignées pour y arrêter un instant sa pensée. Je prétends me mettre tout simplement à vos ordres pour corriger vos épreuves sous votre direction - seulement je substituerai un éloge de la France à toute insinuation malveillante que je rencontrerai. Vous pouvez être assuré que je corrigerai très lisiblement les fautes d’impressions. Je suppose que mon écriture est celle [4] que les calligraphes appelent francaise puisque vous en parlez si mal. il est bien vrai que jécris avec des plumes d’acier, elles sont ici fort à la mode - je suis forcé d’admettre que notre style n’en a pas beaucoup plus de neuf, mais vous devez avouer qu’il a du moins quelque raideur - puisque vous voulez bien me proposer des leçons sur l’art de tailler les plumes, je mettrai quelque superstition à suivre vos avis à cet égard. Qu’avez vous dit de notre prix Gobert et de tous les prix que nous prodiguons. nous sommes toute l’année en quête de vertu & d’éloquence à couronner - et c’est à peine si la vertu suffit à l’argent que nous avons à donner - on donne le mieux et le plus qu’on peut. Mais on peut dire que l’Académie ne sait que faire de son argent, tant on lui en a légué - pecuniam vexant comme dit Salluste. À Propos de Salluste jaurais bien voulu que vous fussiez Ministre de Prusse à Rome quand nous y avons passé un mois. La maison de notre légation est faite pour vous elle est sur le capitole dominant toute l’antiquité romaine - si javais l’honneur de connaître votre Roi je lui conseillerais de vous envoyer dans cette Italie et ferais vous répondre. le midi m’est plus facile à habiter que le Nord. Mais malgré ma santé si vous n’allez pas au Midi je finirai par aller vous chercher au Nord.
Mille tendres respects
X Doudan
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