• Albertine Ida Gustavine de Broglie to August Wilhelm von Schlegel

  • Place of Dispatch: Coppet · Place of Destination: Bonn · Date: 20. Oktober [1822]
Edition Status: Newly transcribed and labelled; double collated
    Metadata Concerning Header
  • Sender: Albertine Ida Gustavine de Broglie
  • Recipient: August Wilhelm von Schlegel
  • Place of Dispatch: Coppet
  • Place of Destination: Bonn
  • Date: 20. Oktober [1822]
  • Notations: Absendeort und Datum (Jahr) erschlossen. – Datierung durch archivalische Notiz auf der Handschrift.
    Manuscript
  • Provider: Dresden, Sächsische Landesbibliothek - Staats- und Universitätsbibliothek
  • OAI Id: DE-611-38973
  • Classification Number: Mscr.Dresd.e.90,XIX,Bd.4(1),Nr.40
  • Number of Pages: 4 S. auf Doppelbl., hs.
  • Format: 19,9 x 15,5 cm
  • Incipit: „[1] 20. Octobre.
    Jʼai eu bien des torts envers vous cher ami, mais jʼai été dans toutes les horreurs du demenagement, [...]“
    Language
  • French
    Editors
  • Golyschkin, Ruth
  • Stieglitz, Clara
[1] 20. Octobre.
Jʼai eu bien des torts envers vous cher ami, mais jʼai été dans toutes les horreurs du demenagement, et cʼest ce qui mʼa empeché de vous écrire; à présent me voici établie dans notre nouvelle maison qui est tout à fait
confortable. Auguste y a lʼair dʼun Baron, non pas féodal, mais constitutionnel et y regne avec une majeste douce. Je vous remercie de vos conseils sur Alphonse, jʼen ai bon besoin car je suis en grand découragement sur lui; on ne peut rien lui reprocher, si ce nʼest dʼêtre retardé pour la capacité et avancé pour le caractère, ce qui ote à lʼenfance tout son charme. Il a un bon sens toujours le même, qui nʼavance ni ne recule, je vous regrette bien pour lui car vous lʼanimiez et lʼexcitiez, enfin jʼespere pour lui le developpement de la vie.
Nous voici rentrés dans la politique, que vous [2] nʼaimez pas, pour moi il faut bien que je mʼy interesse, car il nʼy a rien de pire que de ne pas prendre gout à lʼatmosphere dans le quel on vit et lʼinteret quʼon met aux choses depend un peu de soi du point de vue sous le quel on les envisage; pour moi il sʼagit de les rattacher à un certain foyer central de morale et de religion et certa surement la politique peut sʼy rattacher car elle influe non seulement sur le materiel, mais sur lʼintellectuel de lʼhomme. Le materiel domine ici pour le moment, la prospérité y est très grande et lʼindustrie très active, mais cela endort le peuple même, sur ce qui peut menacer cette prospérité là; car lʼinteret personel borne lʼesprit et lui ote la prevoyance de ses propres dangers. Les elections ont été toutes dans un sens, il nʼy a pas eu un liberal dans les colleges de département et je crois onze dans les arrondissements, le ministère est à present menaçé par la droite et nous allons voir recommencer [3] cette eternelle lutte tantôt dʼun coté, tantôt de lʼautre. Le fonds de la nation est pourtant tranquille, mais il nʼen peut sortir que des violences, cʼest comme les gens indifferents qui se mettent en colere à tout propos pour ce qui ne leur fait rien.
Vous etes donc dans
lʼenchantement; des miracles, je ne veux rien juger apriori mais vous savez que le surnaturel mʼinspire plus de peur que de respect. Il dérange ma religion plutôt quʼil ne lʼaide. Le travail de lʼhomme me parait être ici bas de démeler la voix de Dieu à tra[vers] le cours des choses; cette voix se fait entendre à qui lui prete une oreille attentive et soumise, et cette obscurité dans la quelle nous sommes éprouve notre foi et notre amour. Mais quand une fois lʼordre est bouleversé, je nʼy comprends plus rien je ne sais pas pourquoi, là plutôt quʼici, jʼaime mieux quʼune prière console le malade au lieu de le guerir, le miracle me parait plus noble et tout aussi grand et cela ne fait pas de la pieté un moyen de secours temporel. Cependant si cela était promi il faudroit sʼy soumettre comme à tant de choses; mais mon penchant ne me porte pas à le désirer.
Je voudrois fort être bonne à quelque chose à
[4] Mde votre nièce. Jʼen ai parlé à Mde de St Aulaire elle craint quʼelle nʼeut pas de la peine à trouver ce quʼelle désire à Paris, il y a un grand nombre de personnes qui y viennent exercer leur talent et nʼy trouvent pas de quoi. Reparlez mʼen encore en mʼécrivant je pourrai consulter Gerard. Adieu cher ami. Avez vous lu la vie de Schiller cʼest spirituel il y a beaucoup du sallon de Coppet. Jʼaurois aimé en causer avec vous comme de bien dʼautres choses. Victor est assez bien les [1] petites enfans à merveille et tout cela vous aime beaucoup comme moi.
Monsieur
A. W. de Schlegel.
à
Bonne
Province Prussienne du
Rhin
[1] 20. Octobre.
Jʼai eu bien des torts envers vous cher ami, mais jʼai été dans toutes les horreurs du demenagement, et cʼest ce qui mʼa empeché de vous écrire; à présent me voici établie dans notre nouvelle maison qui est tout à fait
confortable. Auguste y a lʼair dʼun Baron, non pas féodal, mais constitutionnel et y regne avec une majeste douce. Je vous remercie de vos conseils sur Alphonse, jʼen ai bon besoin car je suis en grand découragement sur lui; on ne peut rien lui reprocher, si ce nʼest dʼêtre retardé pour la capacité et avancé pour le caractère, ce qui ote à lʼenfance tout son charme. Il a un bon sens toujours le même, qui nʼavance ni ne recule, je vous regrette bien pour lui car vous lʼanimiez et lʼexcitiez, enfin jʼespere pour lui le developpement de la vie.
Nous voici rentrés dans la politique, que vous [2] nʼaimez pas, pour moi il faut bien que je mʼy interesse, car il nʼy a rien de pire que de ne pas prendre gout à lʼatmosphere dans le quel on vit et lʼinteret quʼon met aux choses depend un peu de soi du point de vue sous le quel on les envisage; pour moi il sʼagit de les rattacher à un certain foyer central de morale et de religion et certa surement la politique peut sʼy rattacher car elle influe non seulement sur le materiel, mais sur lʼintellectuel de lʼhomme. Le materiel domine ici pour le moment, la prospérité y est très grande et lʼindustrie très active, mais cela endort le peuple même, sur ce qui peut menacer cette prospérité là; car lʼinteret personel borne lʼesprit et lui ote la prevoyance de ses propres dangers. Les elections ont été toutes dans un sens, il nʼy a pas eu un liberal dans les colleges de département et je crois onze dans les arrondissements, le ministère est à present menaçé par la droite et nous allons voir recommencer [3] cette eternelle lutte tantôt dʼun coté, tantôt de lʼautre. Le fonds de la nation est pourtant tranquille, mais il nʼen peut sortir que des violences, cʼest comme les gens indifferents qui se mettent en colere à tout propos pour ce qui ne leur fait rien.
Vous etes donc dans
lʼenchantement; des miracles, je ne veux rien juger apriori mais vous savez que le surnaturel mʼinspire plus de peur que de respect. Il dérange ma religion plutôt quʼil ne lʼaide. Le travail de lʼhomme me parait être ici bas de démeler la voix de Dieu à tra[vers] le cours des choses; cette voix se fait entendre à qui lui prete une oreille attentive et soumise, et cette obscurité dans la quelle nous sommes éprouve notre foi et notre amour. Mais quand une fois lʼordre est bouleversé, je nʼy comprends plus rien je ne sais pas pourquoi, là plutôt quʼici, jʼaime mieux quʼune prière console le malade au lieu de le guerir, le miracle me parait plus noble et tout aussi grand et cela ne fait pas de la pieté un moyen de secours temporel. Cependant si cela était promi il faudroit sʼy soumettre comme à tant de choses; mais mon penchant ne me porte pas à le désirer.
Je voudrois fort être bonne à quelque chose à
[4] Mde votre nièce. Jʼen ai parlé à Mde de St Aulaire elle craint quʼelle nʼeut pas de la peine à trouver ce quʼelle désire à Paris, il y a un grand nombre de personnes qui y viennent exercer leur talent et nʼy trouvent pas de quoi. Reparlez mʼen encore en mʼécrivant je pourrai consulter Gerard. Adieu cher ami. Avez vous lu la vie de Schiller cʼest spirituel il y a beaucoup du sallon de Coppet. Jʼaurois aimé en causer avec vous comme de bien dʼautres choses. Victor est assez bien les [1] petites enfans à merveille et tout cela vous aime beaucoup comme moi.
Monsieur
A. W. de Schlegel.
à
Bonne
Province Prussienne du
Rhin
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