• Albert de Broglie to August Wilhelm von Schlegel

  • Place of Dispatch: Coppet · Place of Destination: Bonn · Date: 13.09.1840
Edition Status: Newly transcribed and labelled; double collated
    Metadata Concerning Header
  • Sender: Albert de Broglie
  • Recipient: August Wilhelm von Schlegel
  • Place of Dispatch: Coppet
  • Place of Destination: Bonn
  • Date: 13.09.1840
  • Notations: Empfangsort erschlossen.
    Manuscript
  • Provider: Dresden, Sächsische Landesbibliothek - Staats- und Universitätsbibliothek
  • OAI Id: DE-611-38973
  • Classification Number: Mscr.Dresd.e.90,XIX,Bd.4(3),Nr.16
  • Number of Pages: 4 S. auf Doppelbl., hs. m. U.
  • Format: 20,7 x 13,5 cm
  • Incipit: „[1] Coppet. 13 Septembre 1840
    Indigne du combat auquel tu me provoques
    C’est en vain, que fouillent de la herse et du [...]“
    Language
  • French
    Editors
  • Golyschkin, Ruth
  • Steffes, Franziska
[1] Coppet. 13 Septembre 1840
Indigne du combat auquel tu me provoques
C’est en vain, que fouillent de la herse et du soc
Il retourne sans fin mille rimes
ad hoc.
De quelques vers épars les misérables loques
Sortent péniblement, de chaque pesant choc.
Rien ne coule d’un jet: rien ne vient d’un seul bloc.
Resserré par l’espace ou ta muse me bloque
Sans fruit, je me demène et de taille et d’Estoc
Je vais, je viens, j’assemble et de brie et de broc
Et de moi sur le Rhin j’entends que l’on se moque.
Voilà, Monsieur, une indigne réponse à votre bonne lettre; vous pouvez en sureté de Conscience juger de ma verve poétique par ce second essai: car ce sont à peu près les deux seules fois depuis huit ans que j’aie aligné des rimes. Vous les avez voulus: vous les aurez: Pardonnez le
tu à l’emphase de la poésie, et à la nourriture de la poésie grecque.
[2] Puisque vous permettez que je vous rende compte de ce que je fais, je vous dirai qu’Eschyle est fini, non sans peine et sans quelques remords de Conscience, parceque bien des passages et probablement des beautés me sont échappées. Mais enfin que bien que mal, après quelques sauts à pied joints, j’ai atteint le dernier vers des Euménides, et me voici maintenant en pleine eau douce, je veux dire dans Sophocle, ou l’on est presque sur de ne rien perdre, parceque la phrase poétique est si abondante, qu’au cas où un vers manquerait, le suivant explique ou répete. Aussitot que je serai de retour à Paris, j’irai chercher cette traduction dont vous avez la bonté de me donner l’adresse, et dont, à juger par d’autres traductions, le charme me fera oublier le bon Abbé Brumoy, et le Commentateur latin, l’un se dispensant de traduire, et fraudant Eschyle de ce qu’il ne comprend pas: l’autre se renfermant dans une fidélité [3] scrupuleuse, et se bornant presque à changer les Caractères grecs en Caractères latins.
Le morceau sur
Athènes fera du bien au public de Paris, qui a entendu sur le sujet du théâtre que, bien des balourdises, et qui ne sait guere à quoi s’en tenir, depuis qu’il ne croit plus que nos misérables planches suffisaient au génie de Sophocle et d’Eschyle. Du haut du Colysée, ou au théâtre de Pompei on en prend un peu l’idée: mais on a besoin de l’Erudition pour savoir comment ces étranges gens buvaient et mangeaient, et comme tout se tient dans la foible humanité pour savoir comment ils pensaient même en faisant des vers.
Vous voyez que nous sommes venus ici pendant l’intervalle du procès:
mon père se contente de retourner pour les débats même: et laisse l’acte d’Accusation se faire sans lui. Moi, puisque vous souffrez que je vous parle de moi, il me faudra [4] retourner, au mois de Novembre pour commencer mon droit: mon père a bien l’idée de me faire passer quelque temps en Allemagne dans le Cours de cette étude pour m’y perfectionner; mais il faut ajourner cela d‘une année ou deux, parce qu’il y a un règlement qui force à prendre ses inscriptions à la faculté de Paris, et que la libéralité de Monsieur Cousin n’a pas encore revoqué. Il est vrai que l’Italie m’a déja couté une année: l’Allemagne en vaudrait bien un autre.
Tout le monde se rappelle ici à votre bienveillant souvenir:
Madame de Staël, de chez qui je vous écris, se loue infiniment d’un petit billet qu’elle a reçu de vous, et surtout de la Connaissance que vous lui avez procuré; plus encore, du témoignage que vous ne l’avez pas tout à fait oublié, et moi, je vous prie de croire à ma sincère et respectueuse affection.
A. Broglie
[1] écrit à Madame de Staël le 20 Sept.
[1] Coppet. 13 Septembre 1840
Indigne du combat auquel tu me provoques
C’est en vain, que fouillent de la herse et du soc
Il retourne sans fin mille rimes
ad hoc.
De quelques vers épars les misérables loques
Sortent péniblement, de chaque pesant choc.
Rien ne coule d’un jet: rien ne vient d’un seul bloc.
Resserré par l’espace ou ta muse me bloque
Sans fruit, je me demène et de taille et d’Estoc
Je vais, je viens, j’assemble et de brie et de broc
Et de moi sur le Rhin j’entends que l’on se moque.
Voilà, Monsieur, une indigne réponse à votre bonne lettre; vous pouvez en sureté de Conscience juger de ma verve poétique par ce second essai: car ce sont à peu près les deux seules fois depuis huit ans que j’aie aligné des rimes. Vous les avez voulus: vous les aurez: Pardonnez le
tu à l’emphase de la poésie, et à la nourriture de la poésie grecque.
[2] Puisque vous permettez que je vous rende compte de ce que je fais, je vous dirai qu’Eschyle est fini, non sans peine et sans quelques remords de Conscience, parceque bien des passages et probablement des beautés me sont échappées. Mais enfin que bien que mal, après quelques sauts à pied joints, j’ai atteint le dernier vers des Euménides, et me voici maintenant en pleine eau douce, je veux dire dans Sophocle, ou l’on est presque sur de ne rien perdre, parceque la phrase poétique est si abondante, qu’au cas où un vers manquerait, le suivant explique ou répete. Aussitot que je serai de retour à Paris, j’irai chercher cette traduction dont vous avez la bonté de me donner l’adresse, et dont, à juger par d’autres traductions, le charme me fera oublier le bon Abbé Brumoy, et le Commentateur latin, l’un se dispensant de traduire, et fraudant Eschyle de ce qu’il ne comprend pas: l’autre se renfermant dans une fidélité [3] scrupuleuse, et se bornant presque à changer les Caractères grecs en Caractères latins.
Le morceau sur
Athènes fera du bien au public de Paris, qui a entendu sur le sujet du théâtre que, bien des balourdises, et qui ne sait guere à quoi s’en tenir, depuis qu’il ne croit plus que nos misérables planches suffisaient au génie de Sophocle et d’Eschyle. Du haut du Colysée, ou au théâtre de Pompei on en prend un peu l’idée: mais on a besoin de l’Erudition pour savoir comment ces étranges gens buvaient et mangeaient, et comme tout se tient dans la foible humanité pour savoir comment ils pensaient même en faisant des vers.
Vous voyez que nous sommes venus ici pendant l’intervalle du procès:
mon père se contente de retourner pour les débats même: et laisse l’acte d’Accusation se faire sans lui. Moi, puisque vous souffrez que je vous parle de moi, il me faudra [4] retourner, au mois de Novembre pour commencer mon droit: mon père a bien l’idée de me faire passer quelque temps en Allemagne dans le Cours de cette étude pour m’y perfectionner; mais il faut ajourner cela d‘une année ou deux, parce qu’il y a un règlement qui force à prendre ses inscriptions à la faculté de Paris, et que la libéralité de Monsieur Cousin n’a pas encore revoqué. Il est vrai que l’Italie m’a déja couté une année: l’Allemagne en vaudrait bien un autre.
Tout le monde se rappelle ici à votre bienveillant souvenir:
Madame de Staël, de chez qui je vous écris, se loue infiniment d’un petit billet qu’elle a reçu de vous, et surtout de la Connaissance que vous lui avez procuré; plus encore, du témoignage que vous ne l’avez pas tout à fait oublié, et moi, je vous prie de croire à ma sincère et respectueuse affection.
A. Broglie
[1] écrit à Madame de Staël le 20 Sept.
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