• August Wilhelm von Schlegel to Auguste Louis de Staël-Holstein

  • Place of Dispatch: Bonn · Place of Destination: Paris · Date: 23.03.1825
Edition Status: Single collated printed full text with registry labelling
    Metadata Concerning Header
  • Sender: August Wilhelm von Schlegel
  • Recipient: Auguste Louis de Staël-Holstein
  • Place of Dispatch: Bonn
  • Place of Destination: Paris
  • Date: 23.03.1825
  • Notations: Absende- und Empfangsort erschlossen.
    Printed Text
  • Bibliography: Körner, Josef: Philologische Schriften und Briefe. Hg. v. Ralf Klausnitzer. Mit einem Vorwort von Hans Eichner. Göttingen 2001, S. 144‒145.
  • Weitere Drucke: Körner, Josef: Indologie und Humanität. In: Festschrift Moriz Winterniz. Hg. v. Otto Stein u. Wilhelm Gampert. Leipzig 1933. S. 123‒125.
  • Incipit: „[1] Je viens de recevoir une lettre allemande de Palamcotta près de Tinnevelly à l’extrémité méridionale de l’Inde, écrite par un [...]“
    Language
  • French
  • English
[1] Je viens de recevoir une lettre allemande de Palamcotta près de Tinnevelly à l’extrémité méridionale de l’Inde, écrite par un missionaire des frères moraves. Un exemplaire de ma bibliothèque Indienne y a pénétré, il s’est scandalisé de quelques passages. Après les compliments d’usage et quelques observations érudites, il en vient au point principal. Bref, il me considère comme servant sous los bannières de l’Antichrist et il veut me convertir, sans s’informer si j’en ai besoin. Sa lettre est au fond très injurieuse, mais je l’ai prise en bon chrétien, vu son intention pieuse. Je lui ai écrit une lettre préalable dans laquelle je lui témoigne ma reconnaissance. Ma réponse sera nécessairement très longue, elle avance lentement à cause de tant de différentes avocations comme disent les Anglois. Mon missionnaire offre de tenir notre correspondance secrète, moi, je suis porté à la publier, car dans ma carrière d’écrivain j’ai toujours joué les cartes sur la table. Cependant je consulterai mes amis. En [2] tout cas je communiquerai le tout à votre sœur. Pour connoître l’état de la question, il faut avoir lu les livres de Ward et de Mill, qui peignent une nation de plus de cent millions d’hommes comme des monstres, comme le rebut de la nature humaine, et devenus tels par leur religion. Le but est clair: c’est la conversion par force. Cela est impossible. Qu’importe? Est-ce qu’un fanatique s’informe de la possibilité? Mon cher Auguste, deux grandes puissances menacent l’esprit humain d’une nouvelle captivité – ce sont les Jésuites dans le midi de l’Europe, et los Methodistes en Angleterre. J’ai lu avec frémissement dans un discours du vénérable et vertueux Wilberforce ces propres paroles: (Dans les debates du Parlement en 1813 sur l’état moral de l’Inde) Did not more than one practice prevail among the most polished nations of antiquity, sanctioned often by the wisest and the best among them, which in all Christian countries would now be punished as a capital crime? – Je serois curieux de voir la preuve des paroles doublement soulignées. Mais s’il en est ainsi, dirais-je aux sectateurs de cette doctrine, pourquoi souffrir que la jeunesse soit imbue de ces horreurs? Soyez donc conséquent! Faites un grand bûcher pour y brûler tour les Chefs d’œuvres des anciens, un altre pour calciner les statues antiques. Les tableaux profanes et idolâtres des modernes, cela va sans dire. Savonarola l’a déjà fait. Tout cela, est l’œuvre du démon. Croyez-moi, mon cher August, l’on veut dépouiller la nature humaine de tout ce qu’elle a produit et pourra produire de beau et de grand, au nom de la religion, ou plutôt au nom des pitoyables et mesquines conceptions que des esprits bornés et ténébreux, des âmes étroites se sont forgées de la Vérité Divine.
[1] Je viens de recevoir une lettre allemande de Palamcotta près de Tinnevelly à l’extrémité méridionale de l’Inde, écrite par un missionaire des frères moraves. Un exemplaire de ma bibliothèque Indienne y a pénétré, il s’est scandalisé de quelques passages. Après les compliments d’usage et quelques observations érudites, il en vient au point principal. Bref, il me considère comme servant sous los bannières de l’Antichrist et il veut me convertir, sans s’informer si j’en ai besoin. Sa lettre est au fond très injurieuse, mais je l’ai prise en bon chrétien, vu son intention pieuse. Je lui ai écrit une lettre préalable dans laquelle je lui témoigne ma reconnaissance. Ma réponse sera nécessairement très longue, elle avance lentement à cause de tant de différentes avocations comme disent les Anglois. Mon missionnaire offre de tenir notre correspondance secrète, moi, je suis porté à la publier, car dans ma carrière d’écrivain j’ai toujours joué les cartes sur la table. Cependant je consulterai mes amis. En [2] tout cas je communiquerai le tout à votre sœur. Pour connoître l’état de la question, il faut avoir lu les livres de Ward et de Mill, qui peignent une nation de plus de cent millions d’hommes comme des monstres, comme le rebut de la nature humaine, et devenus tels par leur religion. Le but est clair: c’est la conversion par force. Cela est impossible. Qu’importe? Est-ce qu’un fanatique s’informe de la possibilité? Mon cher Auguste, deux grandes puissances menacent l’esprit humain d’une nouvelle captivité – ce sont les Jésuites dans le midi de l’Europe, et los Methodistes en Angleterre. J’ai lu avec frémissement dans un discours du vénérable et vertueux Wilberforce ces propres paroles: (Dans les debates du Parlement en 1813 sur l’état moral de l’Inde) Did not more than one practice prevail among the most polished nations of antiquity, sanctioned often by the wisest and the best among them, which in all Christian countries would now be punished as a capital crime? – Je serois curieux de voir la preuve des paroles doublement soulignées. Mais s’il en est ainsi, dirais-je aux sectateurs de cette doctrine, pourquoi souffrir que la jeunesse soit imbue de ces horreurs? Soyez donc conséquent! Faites un grand bûcher pour y brûler tour les Chefs d’œuvres des anciens, un altre pour calciner les statues antiques. Les tableaux profanes et idolâtres des modernes, cela va sans dire. Savonarola l’a déjà fait. Tout cela, est l’œuvre du démon. Croyez-moi, mon cher August, l’on veut dépouiller la nature humaine de tout ce qu’elle a produit et pourra produire de beau et de grand, au nom de la religion, ou plutôt au nom des pitoyables et mesquines conceptions que des esprits bornés et ténébreux, des âmes étroites se sont forgées de la Vérité Divine.
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