Monsieur
Un mahometan ne part pas avec plus de dévotion pour la Mecque, que je n’en avais mis à entreprendre, vers vous, le pélerinage litteraire qui doit léguer à mon avenir de si mémorables souvenirs. Nous étions en route, ma femme, ma fille et moi; nous devions, après avoir visité Constance, St Gall et Pfeffers, descendre le Rhin en poste, et prendre ensuite le bateau à vapeur. Dieu en a autrement disposé: voilà plusieurs jours qu’une indisposition de ma fille nous retient à Constance, et c’est aujourd hui même que je voulais avoir l’honneur de vous voir. [2] Malheureusement le mal est irréparable pour le moment; car il faut que le 1 octobre je préside les assises à Colmar. La confiance de M Barthe me met en fort mauvaise compagnie – 46 accusés 230 témoins, dans une seule affaire. Il s’agit d’une émeute qui a eu lieu il y a 3 mois contre les juifs: ce sont des scènes dignes du 14e siècle, et j’ai là une terrible corvée par devoir moi.
Dans ces circonstances, et vu les mesures que prennent Baden et la Bavière contre tout ce qui revient de votre pays, je ne pourrais m’exposer à une quarantaine qui m eut fait manquer à l’appel du Gouvernement. Nous avons donc arrêté nôtre course à Constance et dès que mon enfant pourra voyager, je [3] retournerai à Colmar, ce que sera j’espère dans deux jours. Après mes assises j irai à Bonn seul, et de toute la rapidité du bateau à vapeur. Je pourrai, du moins, passer près de vous plusieurs jours, et j ai autant aimé remettre que d’être ainsi réduit à une seule visite. Ce sera donc à la fin d’Octobre mais sans faute. D ici la, la biographie abrégée qui en sera pressé, aura paru dans le recueil Boisjolin. Le grand travail s’enrichira de vos observations, et s’animera sous ma plume, car en vous quittant j aurai, du moins, la vertu du fer aimanté
Ayez la bonté de faire part de ceci à Monsieur Welker et de lui dire qu à mon passage à Fribourg je me suis assuré que son frère se [4] portait bien. D’après ce que j’ai pu comprendre dans une conversation que j ai eue avec M Duttlinger notre ami commun son affaire sera mise à néant. Ce serait un bon parti à prendre je suis avec respect
Monsieur
Votre tres humble et très obeissant serviteur
P de Golbéry