Vos lettres ont plus dʼintérêt pour moi que je ne puis dire, mon cher Schlegel, et je ne saurois assez Vous remercier de Votre exactitude. Sans doute je pense comme Vous quʼil nʼy a pas de tems à perdre pour la publication des oeuvres de mon grand pere, mais je vois bien des difficultés à commencer lʼimpression avant lʼautomne prochain. Il me seroit certainement possible dʼavoir bâché une biographie cet hyver et de commencer à imprimer au printems; mais si je veux ecrire quelquechose qui ait le sens commun, il faut que jʼétudie à mesure toutes les questions dont je mʼoccupe; et jʼai été si malingre depuis un mois que mon travail a bien peu avancé. Une seconde question est celle du libraire; Delaunay avec qui jʼespérois traiter ne veut absolument pas de lʼentreprise: cʼest un assez mauvais symptome, et il est urgent que je trouve à faire un autre arrangement. Ce sera ma premiere occupation en arrivant à Paris - Ce que Mad. Necker a écrit jusquʼà présent pour mettre en tête des oeuvres de ma mere est selon moi dʼune rare distinction, mais trop littéraire: il sʼagit de voir maintenant comment elle va traiter la vie privée et quand son travail sera fini - Vous voyez que ce sont là bien des considérations [2] Et puis sans Vous, rien ne marche et il nʼy a pas de jour que je ne pense avec tristesse combien Vous me manquez -
Je Vous remercie de nouveau des articles que Vous mʼavez envoyés. Je les trouve incomparablement superieurs à ceux qui ont paru en France; et je mʼen réjouis à double, pour la gloire de lʼouvrage et comme symptôme de lʼesprit public allemand.
Nos papiers conventions sont restées à Paris. je Vous en enverrai la copie ou plustôt un des originaux quand jʼy serai de retour - Je nʼai point entendu parler des Tottie & Compton. Vous feriez bien de leur écrire en leur disant de mʼadresser leur réponse à Paris et en les prévenant de nouveau que Vous mʼavez autorisé à disposer de Vos fonds chez eux - Alors à mon arrivée à [Paris] je Vous enverrai un compte en regle et nous aviserons au meilleur emploi que nous aurons à faire de Votre argent -
A Dieu ne plaise que je veuille Vous détourner de venir en Suisse cette année; jʼaurois trop de plaisir à la chance de Vous revoir; mais cette chance est bien petite, car je compte partir dans le courant de Septembre et Albertine du milieu à la fin dʼoctobre - Je crois donc que Vous seriez bien à court de tems et quʼen venant nous faire une longue visite lʼannée prochaine la combinaison seroit meilleure. Et il me semble que lors même que Vous accepteriez une place; Vous [3] aurez toujours des vacances dans lʼété - Mais encore une fois, si Vous venez cette année, ce sera un grand plaisir pour Albertine si ce nʼest pour moi.
Je desire fort que Tiek mʼenvoye la statue cet automne, par ce quʼautrement elle retarderoit les travaux de la bibliotheque qui sera établie dans la salle du théatre - Jʼai dʼautres travaux entrepris pour Coppet: je considère comme un devoir de conserver à cette habitation une apparance honorable; mais que tout est mort et quʼil est impossible que jamais aucun intérêt remplace ce que nous avons perdu - Adieu encore, mille hommages à Mad. de Schlegel jʼai des droits à sa bienveillance par mon tendre intérêt pour tout ce qui tient à Votre bonheur.
Mad. de Ste Aulaire a la tête tournée de Votre frere. Elle mʼen écrit des merveilles de Paris.
[4] Monsieur
Monsieur A. W. de Schlegel
chez Messrs Mohr & Winter
Heidelberg.